Page:Loti - Rapport sur les prix de vertu, 1898.djvu/38

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douairière et de sa fille, toutes deux malades et sans pain. Elle était née dans une demi-aisance, cette Émilie Aubert, fille d’un notaire de province qui possédait quelque bien, et personne n’eût pu prévoir pour elle tant de déchéance et de misère. Lorsque, après avoir tout perdu, elle se décida à entrer comme gouvernante chez les nobles dames qu’elle soutient aujourd’hui par son trafic épuisant, ces dernières habitaient le château familial dont elles portent le nom, et d’où elles ont été chassées depuis tantôt vingt ans, à la suite de revers inouïs. Les voilà donc aujourd’hui, ces trois femmes, unies dans une commune détresse matérielle. Et c’est Émilie, l’ancienne gouvernante, d’ailleurs la seule valide de l’étrange trio, qui pourvoit à toutes choses. Sous les brûlants soleils d’été, sous les pluies d’hiver, elle va courir à pied les villages, pour