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LE ROMAN D’UN ENFANT

vures dans de vieux cadres ; elle, mettant la dernière main à une réussite, sous les regards de sa maman ; moi, jouant en sourdine un rigaudon de Rameau sur un piano de campagne aux sons vieillots, et trouvant délicieuse cette musiquette du temps passé, ainsi mêlée au fracas lourd des grands coups de tonnerre…

La réussite finie, Lucette feuilleta mes cahiers de devoirs qui traînaient sur une table, et après avoir, d’un clignement d’yeux, constaté pour moi seul que je n’avais rien fait, me dit tout à coup : « Et ton Histoire de Duruy, où l’as-tu mise ? »

— Mon Histoire de Duruy ?… En effet, où était-il, ce livre ? Un livre tout neuf, à peine barbouillé encore… — Ah ! mon Dieu !… là-bas, oublié au fond du jardin, dans les derniers carrés d’asperges !… (Pour faire mes études historiques, j’avais adopté ces carrés d’asperges, qui, en été, deviennent des espèces de bocages d’une haute verdure herbacée très légère ; de même que certaine allée de noisetiers, touffue, impénétrable, ombreuse comme in souterrain vert, était le lieu choisi pour le travail incomparablement plus pénible de la versification latine.) Cette fois, par exemple, je fus grondé par la maman de Lucette, et on décida d’aller, séance tenante, au secours de ce livre.