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LE ROMAN D’UN ENFANT

teliers tannés par la mer, la cravate de sole blanche que j’avais promis de me mettre au cou, par précaution contre la fraîcheur de l’eau.

Et une fois sur les Chaumes, lieu sans ombre, toujours brûlé par un ardent soleil, j’exécutai le serment qu’on avait exigé de moi au départ : j’ouvris un en-tout-cas ! — Oh ! je me sentis rougir, je me trouvai amèrement ridicule, quand une petite bergère était là, tête nue, gardant ses moutons. Pour comble, arrivaient du village quatre garçons, qui sortaient de l’école sans doute et qui, de loin, me regardaient avec étonnement. Mon Dieu ! je me sentais faiblir ; aurais-je bien le courage vraiment de tenir jusqu’au bout ma parole !…

Ils passèrent à côté de moi, regardant de près, sous le nez, ce petit monsieur qui craignait tant les coups de soleil ; l’un dit cette chose, qui n’avait aucun sens, mais qui me cingla comme une mortelle injure : « C’est le marquis de Carabas ! » et ils se mirent tous à rire. Cependant, je continuai ma route sans broncher, sans répondre, malgré le sang qui m’affluait aux joues, me bourdonnait aux oreilles, et je gardai mon en-tout-cas ouvert !

Dans la suite des temps, il devait m’arriver maintes fois de passer mon chemin sans relever des injures lancées par de pauvres gens ignorants les