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LE ROMAN D’UN ENFANT

quoi n’étaient-elles pas là ? En ce moment, j’aurais souhaité leur présence autour de moi comme une protection. Elles se tenaient sans doute là-haut, au second étage, dans leurs chambres ; entre elles et moi, il y avait les escaliers obscurs, les escaliers que je devinais pleins d’ombre et qui me faisaient frémir… Et ma mère ? J’aurais surtout souhaité sa présence à elle ; mais je la savais sortie dehors, dans ces rues longues dont je ne me représentais pas très bien les extrémités, les aboutissements lointains. J’avais été moi-même la conduire jusqu’à la porte, en lui demandant : « Tu reviendras, dis ? » Et elle m’avait promis qu’en effet elle reviendrait. (On m’a conté plus tard qu’étant tout petit, je ne laissais jamais sortir de la maison aucune personne de la famille, même pour la moindre course ou visite, sans m’être assuré que son intention était bien de revenir. « Tu reviendras, dis ? » était une question que j’avais coutume de poser anxieusement après avoir suivi jusqu’à la porte ceux qui s’en allaient.) Ainsi, ma mère était sortie… cela me serrait un peu le cœur de la savoir dehors… Les rues !… J’étais bien content de ne pas y être, moi, dans les rues, où il faisait froid, où il faisait nuit, où les petits enfants pouvaient se perdre… Comme on était bien ici, devant ces flammes qui réchauffaient ; comme