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LE ROMAN D’UN ENFANT

conscience plus particulièrement troublée, n’osant pas affronter le regard de mes parents, c’était avec les bonnes que je me réfugiais, pour jouer à la paume, sauter à la corde, faire tapage.

Il y avait bien deux ou trois ans que j’avais cessé de parler de ma vocation religieuse et je comprenais à présent combien tout cela était fini, impossible ; mais je n’avais rien trouvé d’autre pour mettre à la place. Et quand des étrangers demandaient à quelle carrière on me destinait, mes parents, un peu anxieux de mon avenir, ne savaient que répondre ; moi encore bien moins…

Cependant mon frère, qui se préoccupait, lui aussi, de cet avenir indéchiffrable, émit un jour l’idée — dans une de ses lettres qui pour moi sentaient toujours les lointains pays enchantés — que le mieux serait de faire de moi un ingénieur, à cause de certaine précision de mon esprit, de certaine facilité pour les mathématiques, qui était, du reste, une anomalie dans mon ensemble. Et, après qu’on m’eut consulté et que j’eus répondu négligemment : « Je veux bien, ça m’est égal, » la choses parut décidée.

Cette période pendant laquelle je fus destiné à l’École polytechnique dura un peu plus d’un an. Là ou ailleurs, qu’est-ce que cela pouvait me faire ?