Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/243

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
229
LE ROMAN D’UN ENFANT

Oh ! il y avait surtout le papillon « citron aurore » ! À certains moments, j’éprouvais un amer plaisir à le fixer, pour approfondir et chercher à comprendre la mélancolie qui me venait de lui. Il était dans une vitrine du fond ; ses deux nuances si fraîches et si étranges, comme celle d’une peinture de Chine, d’une robe de fée, s’avivaient l’une par l’autre, formaient un ensemble lumineux quand venait le crépuscule gris et quand déjà les autres papillons ses voisins paraissaient ne plus être que de vilaines petites chauves-souris noirâtres.

Dès que mes yeux s’arrêtaient sur lui, j’entendais la chanson traînante, somnolente, en fausset montagnard : « Ah ! ah ! la bonne histoire !… » puis je revoyais le porche blanchi du domaine de Bories, au milieu d’un silence de soleil et d’été. Alors un immense regret me prenait des vacances passées ; tristement je constatais le recul où elles étaient déjà dans les temps accomplis et le lointain où se tenaient encore les vacances à venir ; puis d’autres sentiments inexpressibles m’arrivaient aussi, sortis toujours des mêmes insondables dessous, et complétant un bien étrange ensemble.

Ce rapprochement du papillon, de la chanson et de Bories, continua longtemps de me causer des tristesses que tout ce que j’ai essayé de dire n’ex-