Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
LE ROMAN D’UN ENFANT

plique pas suffisamment ; cela dura jusqu’à l’époque où un grand vent d’orage passa sur ma vie, emportant la plupart de ces petites choses d’enfance.

Quelquefois, en présence du papillon, dans le calme gris des soirs d’hiver, j’allais jusqu’à chanter moi-même le petit refrain plaintif de la « bonne histoire » en me faisant la voix très flûtée qu’il fallait ; alors le porche de Bories m’apparaissait plus nettement encore, lumineux et désolé, par un midi de septembre ; c’était un peu comme l’association qui s’est faite plus tard dans ma tête entre les chants en fausset plaintif des Arabes et les blancheurs de leurs mosquées, les suaires de chaux de leurs portiques…

Il existe encore, ce papillon, dans tout l’éclat de ses deux nuances bizarres, momifié sous sa vitre, aussi frais qu’autrefois, et il est resté pour moi une sorte de gris-gris auquel je tiens beaucoup. Ces petits de Sainte-Hermengarde, — que j’ai perdus de vue depuis des années et qui sont maintenant attachés d’ambassade quelque part en Orient, — s’ils lisent ceci, seront bien étonnés sans doute d’apprendre quel prix les circonstances ont donné à leur cadeau.