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LE ROMAN D’UN ENFANT

sens », on avait le droit de se poser certaine questions déterminées, — par exemple, la très saugrenue que voici : « Ça a-t-il des poils de bête ? »

Et les réponses étaient dans ce genre :

— Ce que ton père te donne (un nécessaire de toilette en peau) en a eu, mais n’en a plus ; cependant, à quelques parties de l’intérieur (les brosses), on a cru devoir en ajouter de postiches. Ce que ta maman te donne (une fourrure avec un manchon) en a quelques-uns encore. Ce que ta tante te donne (une lampe) aide à mieux voir ceux qu’ont les bêtes sur le dos ; mais… attends, oui, je crois bien que ça n’en a pas soi-même…

Par les crépuscules de décembre, entre chien et loup, quand on était assis sur les petits tabourets bas, devant les feux de bois de chêne, on poursuivait la série de ces questions de jour en jour plus palpitantes, jusqu’au 31, jusqu’au grand soir des mystères dévoilés…

Ce soir-là, les cadeaux des deux familles, enveloppés, ficelés, étiquetés, étaient réunis sur des tables, dans une salle dont l’entrée nous avait été interdite, à Lucette et à moi, depuis la veille. À huit heures, on ouvrait les portes et tout le monde pénétrait en cortège, les aïeules les premières, chacun venant chercher son lot dans ce fouillis de paquets blancs