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LE ROMAN D’UN ENFANT

attachés de faveurs. Pour moi, entrer là était un moment de joie telle que, jusqu’à douze ou treize ans, je n’ai jamais pu me tenir de faire des sauts de cabri, en manière de salut, avant de franchir le seuil.

On faisait ensuite un souper de onze heures, et quand la pendule de la salle à manger sonnait minuit, tranquillement, de son même timbre impassible, on se séparait, aux premières minutes d’une de ces années d’autrefois, enfouies à présent sous la cendre de tant d’autres.

Je me couchais ce soir-là avec toutes mes étrennes dans ma chambre auprès de moi, gardant même sur mon lit les préférées. Je m’éveillais ensuite de meilleure heure que de coutume pour les revoir ; elles enchantaient ce matin d’hiver, premier de l’année nouvelle.

Une fois, il y eut dans le nombre un grand livre à images, traitant du monde antédiluvien.

Les fossiles avaient commencé de m’initier aux mystères des créations détruites.

Je connaissais déjà plusieurs de ces sombres bêtes, qui, aux temps géologiques, ébranlaient les forêts primitives de leurs pas lourds ; depuis longtemps, je m’inquiétais d’elles, — et je les retrouvai là toutes, dans leur milieu, sous leur