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LE ROMAN D’UN ENFANT

de me mettre les points sur les i pour de telles choses.

Une de mes grandes admirations, moins justifiée peut-être, fut ensuite pour ces vers de Virgile :

Hinc adeo media est nobis via ; namque sepulcrum
Incipit apparere Bianoris
 : …

Depuis le commencement de l’églogue, du reste, je suivais avec intérêt les deux bergers cheminant dans la campagne antique. Et je me la représentais si bien, cette campagne romaine d’il y a deux mille ans : chaude, un peu aride, avec des broussailles de phyllireas et de chênes verts, comme ces régions pierreuses de la Limoise, auxquelles précisément je trouvais un charme pastoral, un charme d’autrefois.

Ils cheminaient, les deux bergers, et maintenant ils s’apercevaient que la moitié de leur route était faite, « parce que le tombeau de Bianor leur apparaissait là-bas… » Oh ! comme je le vis surgir, ce tombeau de Bianor ! Ses vieilles pierres marquaient une tache blanche sur les chemins roux couverts de petites plantes un peu brûlées, serpolets ou marjolaines, avec çà et là des arbustes maigres au feuillage sombre… Et la sonorité de ce mot Bianoris finissant la phrase, évoqua pour moi, tout à coup,