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LE ROMAN D’UN ENFANT

garçons, et il me faut bien indiquer cette note en passant.

En passant aussi, je vais dire que mes transitions à moi ont duré plus longtemps que celles des autres hommes, parce qu’elles m’ont mené d’un extrême à l’autre, — en me faisant toucher, du reste, à tous les écueils du chemin, — aussi ai-je conscience d’avoir conservé, au moins jusqu’à vingt-cinq ans, des côtés bizarres et impossibles…

À présent, je vais faire la confidence de nos trois amours.

André brûlait pour une grande jeune fille, d’au moins seize ans, qui allait déjà dans le monde, — et je crois qu’il y avait du vrai dans son cas.

Moi, c’était Jeanne et mes deux amis seuls connaissaient ce secret de mon cœur. Pour faire comme eux, tout en trouvant cela un peu niais, j’écrivais son nom en cryptographie sur mes couvertures de cahiers ; par goût, par genre, je cherchais à me persuader moi-même de mon amour, mais je dois avouer qu’il était un peu factice, car au contraire, entre Jeanne et moi, l’espèce de petite coquetterie comique des débuts tournait simplement en bonne et vraie amitié, — amitié héréditaire, pour ainsi dire, et reflet de celle que nos grands-parents avaient eue. Non, mon premier amour véritable, que je con-