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LE ROMAN D’UN ENFANT

terai tout à l’heure et qui date de cette même année, fut pour une vision de rêve.

Quant à Paul, — oh ! j’avais trouvé cela bien choquant d’abord, surtout avec mes idées de ce temps-là ! — lui, c’était une petite parfumeuse, qu’il apercevait les dimanches de sortie derrière une vitre de magasin. À la vérité, elle s’appelait d’un nom comme Stella ou Olympia, qui la relevait beaucoup, — et puis, il avait soin d’entourer cet amour d’un lyrisme éthéré pour nous le rendre acceptable. Sur des bouts de papier mystérieux, il nous faisait passer constamment les rimes les plus suaves à elle dédiées et où son nom en a revenait fréquemment comme un parfum de cosmétique.

Malgré toute mon affection pour lui, ces poésies me faisaient sourire de pitié agacée. Elles ont été en partie causes que jamais, jamais, à aucune époque de ma vie, l’idée ne m’est venue de composer un seul vers, — ce qui est assez particulier, je crois, peut-être même unique. Mes notes étaient écrites toujours en une prose affranchie de toutes règles, farouchement indépendante.