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LE ROMAN D’UN ENFANT

s’échappaient, comme dans la cour de Jeanne, pendant les déballages d’arrivée de son père…

Mais tout à coup mon cœur recommença de se serrer : ces retours de campagnes lointaines, ils ne pourraient avoir lieu que dans bien des années… et alors, les figures qui me recevraient au foyer, seraient changées par le temps… Je me les représentai même aussitôt, ces figures chéries ; dans une pâle vision, elles m’apparurent toutes ensemble : un groupe qui m’accueillait avec des sourires de douce bienvenue, mais qui était si mélancolique à regarder ! Des rides marquaient tous les fronts ; ma mère avait ses boucles blanches comme aujourd’hui… Et grand’tante Berthe, déjà si vieille, pourrait-elle être là encore ?… J’en étais à faire rapidement, avec crainte, le calcul de l’âge de grand’tante Berte, quand j’arrivai au bureau de la poste… Cependant, je n’hésitai pas ; d’une main qui tremblait seulement un peu, je glissai ma lettre dans la boîte, et le sort en fut jeté.