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LE ROMAN D’UN ENFANT

remèdes. Et tandis que je regardais cet attirail de malade, — qui s’assombrissait, devenait plus vague, se déformait sur le fond obscurci de la chambre silencieuse, — c’était dans ma tête un défilé d’images dépareillées, morbides, inquiétantes…

Deux soirs successifs, je fus visité, entre chien et loup, dans mon demi-assoupissement de fièvre, par des personnages différents qui me causèrent une extrême terreur.

D’abord, une vieille dame, bossue et très laide, d’une laideur doucereuse, qui s’approcha de moi sans faire de bruit, sans que j’aie entendu la porte s’ouvrir, sans que j’aie vu les personnes qui me veillaient se lever pour la recevoir. Elle s’éloigna tout aussitôt, avant de m’avoir seulement parlé ; mais, en se retournant, elle me présenta sa bosse : or cette bosse était percée à la pointe, et il en sortait la figure verte d’une perruche, que la dame avait dans le corps et qui me dit : « Coucou ! » d’une petite voix de guignol en sourdine lointaine, puis qui rentra dans le vieux dos affreux… Oh ! quand j’entendis ce « Coucou ! » une sueur froide me perla au front ; mais tout venait de s’évanouir et je compris moi-même que c’était un rêve.

Le lendemain parut un monsieur, long et mince, en robe noire comme un prêtre. Il ne s’approcha