Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
78
LE ROMAN D’UN ENFANT

Oh ! cet air pur, tiède, suave ; cette lumière, ce soleil ; ce beau vert des plantes nouvelles, cet épaississement des feuilles donnant partout de l’ombre toute neuve. Et en moi-même, ces forces qui revenaient, cette joie de respirer, ce profond élan de la vie recommencée.

Mon frère était alors un grand garçon de vingt et un ans, qui avait carte blanche dans la maison pour ses entreprises. Tout le temps de ma maladie, je m’étais préoccupé d’une chose qu’il arrangeait dans la cour et que je mourais d’envie de voir. C’était au fond, dans un recoin charmant, sous un vieux prunier, un lac en miniature ; il l’avait fait creuser et cimenter comme une citerne ; ensuite, de la campagne, il avait fait apporter des pierres rongées et des plaques de mousse pour composer des rivages romantiques alentour, des rochers et des grottes.

Et tout était achevé, ce jour-là ; on y avait déjà mis les poissons rouges ; le jet d’eau jouait même, pour la première fois, en mon honneur…

Je m’approchai avec ravissement ; cela dépassait encore tout ce que mon imagination avait pu concevoir de plus délicieux. Et quand mon frère me dit que c’était pour moi, qu’il me le donnait, j’éprouvai une joie intime qui me sembla ne devoir finir ja-