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LE ROMAN D’UN ENFANT

mais. Oh ! la possession de tout cela, quel bonheur inattendu ! En jouir tous les jours, tous les jours, pendant ces beaux mois chauds qui allaient venir !… Et recommencer à vivre dehors, à s’amuser comme l’été dernier, dans tous les recoins de cette cour ainsi embellie…

Je restai longtemps là, au bord de ce bassin, ne me lassant pas de regarder, d’admirer, de respirer l’air tiède de ce printemps, de me griser de cette lumière oubliée, de ce soleil retrouvé, — tandis que, au-dessus de ma tête, le vieil arbre, le vieux prunier, planté jadis par quelque ancêtre et déjà un peu à bout de sève, tendait sur le bleu du ciel le rideau ajouré de ses nouvelles feuilles, — et que le jet d’eau continuait son grésillement léger, à l’ombre, comme une petite musique de vielle fêtant mon retour à la vie…

Aujourd’hui, ce pauvre prunier, après avoir langui de vieillesse, a fini par mourir, et son tronc seul encore debout, conservé par respect, est coiffé, comme une ruine, d’une touffe de lierre.

Mais le bassin, avec ses rives et ses îlots, est demeuré intact ; le temps n’a pu que lui donner un air de parfaite vraisemblance, ses pierres verdies jouent la vétusté extrême ; les vraies mousses d’eau, les petites plantes délicates des sources s’y sont