Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 1.djvu/179

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I

CAUSERIE


J’ai traduit ceci dans un endroit si merveilleux que je ne puis me défendre d’en parler un peu et de remettre ces quinze petites scènes dans le décor charmant où je les ai vues vivre.

C’est, dans la Haute Franconie, sur la terre même où notre race est née, une vallée vêtue d’un parc. Un margrave du siècle dernier fit dessiner ses chemins déserts et planter ses vastes forêts qu’il peupla de statues divines. Au bord des allées s’offrent des bancs de pierre, incurvés comme des coquilles et moelleux comme des divans, et l’on voit, sur les creuses pelouses, des bassins crevés par les herbes et des jets d’eau pour toujours éteints.

Aujourd’hui, ce jardin est livré aux chevreuils. J’ai vu souvent les jolies bêtes apparaître à quelques pas de moi, droites sur leurs quatre pattes fragiles, et leurs beaux yeux briller d’effroi. Et elles n’avaient peur de personne, pas même de la grande chasseresse blanche qui cambrait la grâce de son corps sur un piédestal démoli. Car elle avait perdu son arc, et ses faibles doigts étaient cassés.