Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 1.djvu/180

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Du milieu de la vallée, je voyais luire Bayreuth et la gloire rouge du Théâtre sur la plus haute colline de l’ouest.

C’est de là que je partis chaque soir vers le temple où je me croyais seul à voir descendre la colombe et où les émotions les plus violentes m’enveloppaient délicieusement.


II

LES COURTISANES DE CORINTHE


Grec.

C’est un mot que la lumière environne. Il suffit que la voix le prononce pour que l’esprit imagine l’eau bleue, le ciel bleu, le marbre blanc, le soleil de feu pur, l’atmosphère toujours limpide où le sentiment de la beauté pour la première fois devait prendre forme, la rive où sa déesse naquit des amours du ciel et de la mer.

Le peuple grec a vécu son histoire dans une patrie petite et précieuse comme une gemme, un pays de couleur et de clarté entre les pâles brumes du Nord et le pâle firmament africain. En Grèce, tout est beau par soi-même, de sorte qu’il n’y a pas de contrée où la soif de l’idéal nous entraîne moins loin de la réalité, puisque dans cet horizon calme la matière est l’égale du rêve.

Ainsi, ce n’est pas la piété des sculpteurs ni l’artifice des écrivains, c’est la nature elle-même qui nous présente les anciens Grecs sous un aspect de noblesse et de beauté que nos civilisations boréales ne peuvent plus qu’admirer comme des lignes perdues. Sans doute les Grecs aussi connaissaient toutes les faiblesses, tous les vices et toutes les misères humaines ; mais ainsi que la même voix change de sonorité selon l’édifice où elle résonne, la même âme