Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 1.djvu/183

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Olympiens fussent doués d’omniscience et d’ubiquité. Quand ils priaient, ils n’étaient jamais sûrs d’être entendus ; ils n’auraient pas dit à Aphrodite : « Souvenez-vous qu’on n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre assistance et demandé votre intercession, ait été abandonné. » Mais ils ne pouvaient croire que la déesse n’eût pas les yeux fixés sur le sanctuaire où la piété de la Grèce lui offrit dix mille esclaves, soumises à sa loi aimante et vouées en foule à sa statue. Aussi, quand une cité hellène devait implorer le secours du ciel pour subsister dans sa richesse ou dans son indépendance, elle chargeait de ses prières publiques toutes les hiérodules de Corinthe, qui demandaient en son nom ou le succès de la conquête ou le salut de la patrie.

En ville, demeuraient d’autres courtisanes, très nombreuses aussi, mais qui n’avaient pas de caractère sacré. Celles-ci, est-il besoin de le dire, exerçaient une profession autorisée par les lois, et même taxée d’impôts directs, ce qui est le signe le plus frappant de la reconnaissance légale. Elles payaient patente, et, en retour, la cité les protégeait non seulement contre les amants qui battent, mais contre ceux qui ne paient pas. Elles étaient à ce point défendues qu’elles pouvaient citer en justice leurs compagnons d’une nuit et réclamer le prix de leurs peines. De notre temps, une pareille loi serait la source de tous les chantages ; mais en Grèce, rien de tel n’était à craindre : le commerce des courtisanes ne donnant pas matière à scandale, un homme grave pouvait s’y livrer sans aucune dissimulation, pourvu qu’il n’excédât ni les ivresses du lit ni celles de la table.

Ces femmes appartenaient à des classes très différentes, depuis l’esclavage jusqu’à l’extrême puissance, en passant par tous les degrés de la servitude et de la liberté. Les plus pauvres, qui ne pouvaient acheter ni bijoux ni étoffes précieuses, ne portaient pas pour cela de haillons ; elles se tenaient toutes nues sur le seuil de leur cabine, au rez-