Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 1.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maîtresse de Lamprias qui n’était pas encore arrivé. Voyant que cela me rendait malheureuse et que je lui faisais des signes, il prit Thaïs par le bout de l’oreille, lui fit plier la nuque en arrière et lui donna un baiser si bien aspiré qu’elle ne pouvait plus dégager ses lèvres ! Moi je pleurais, mais lui se mit à rire, et à dire toutes sortes de choses dans l’oreille de Thaïs, contre moi sans doute, car Thaïs souriait en me regardant. Quand ils entendirent Lamprias entrer et qu’ils furent fatigués de se baiser l’un l’autre, j’allai me coucher avec Diphilos pour qu’il n’eût aucune excuse ensuite. Alors Thaïs se leva et dansa la première en se retroussant pour montrer ses jambes toutes nues comme si elle était seule à les avoir belles. Quand elle s’arrêta, Lamprias ne dit rien, mais Diphilos vanta tant qu’il put son rythme et sa danse, disant comme son pied suivait bien la cithare ! et comme sa jambe était belle ! et dix mille autres choses ! on aurait dit qu’il parlait de la Sôsandra de Kalamis, et non de cette Thaïs, que tu connais bien et moi aussi puisqu’elle va aux mêmes bains que nous. Alors la Thaïs se moqua de moi : « Si quelqu’une, dit-elle, n’était pas si honteuse d’avoir les jambes maigres, elle se lèverait aussi et danserait. »

Que dirai-je, mère ? Je me suis levée et j’ai dansé. Que fallait-il faire ? Supporter cette moquerie au risque de la laisser croire, et permettre à Thaïs de régner sur le festin ?