III
LE POÈTE SYGOGNES
Pendant les lentes journées d’été, à la campagne ou près des plages, partout où le destin nous invite à parler aux jeunes filles en face de leurs mères, un instant fatal se présente où l’on nous demande le nom de notre poète préféré. Les vierges articulent « poète favori », de la même voix qu’elles prennent pour dire « favorite » en parlant d’une concubine de Philippe-Auguste. J’espère que ces jeunes personnes ne se répètent pas l’une à l’autre les réponses paisibles que je leur adresse, car elles me soupçonneraient de montrer une certaine incohérence en matière de poétique. Mon poète « favori » change de nom tous les matins. C’est Gœthe, mais c’est aussi François Villon ; c’est André Chénier, si ce n’est pas Chaucer. C’est rarement Baudelaire, mais c’est quelquefois Mallarmé. Et n’oublions pas Homère, mademoiselle, ni Victor Hugo.