Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 10.djvu/28

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Sans doute les plus grands restent à leur place et il est inutile de chercher pourquoi le 24e livre de l’Iliade est une source éternelle d’émotion vivante. Mais nos joies sont diverses comme le monde. Il y a autant de sources que de sommets. Les plus vertes ne sont pas toujours les plus fameuses. Plus je vais et plus je suis émerveillé par les valeurs éminentes des poètes secondaires. On les compte par centaines, ceux qui sont parvenus à la perfection dans l’expression d’un sentiment, d’une image visuelle ou d’une pensée. Malleville a écrit des pièces de premier ordre. S’il y a un maître en l’art lyrique c’est d’Esternod. Rien n’est plus charmant que le Vair Palefroi, ni que la rencontre des trois fées par Le Chevalier qui faisait parler tant de choses, au début du fabliau de Guérin. Et quel amoureux a jamais peint la volupté mieux que Jean Auvray, dans le sonnet inconnu qui se termine par ce murmure :


Elle me dit : « non, non, mon cher désir,
Je ne dors pas, mais j’ay si grand plaisir
Que je ne sçay si je suis morte ou vive.


À de certains jours, je donnerais pour ces trois vers même le Sans Vénéris, car le sentiment de Swinburne est une volupté qui commence à penser, c’est-à-dire qui n’éprouve plus.

Ce soir, mon poète préféré est M. de Sygognes.