Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 10.djvu/94

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Telle est, par exemple, cette chanson :


L’orage couve. Un Dieu joue. Des sacs de billes de verre se choquent dans la nue. — Ma poule a mis sa tête sous ses plumes et sommeille, une petite armée de pattes entre ses pattes ; comme éployées ses ailes en dôme sur ses demoiselles et ses gars, bien tranquilles, — sous cet édredon chaud qui flatte leurs petits os.

L’orage gronde ! Un Dieu joue. Des sacs de billes de verre se vident sur le monde ! « Hé, là-haut ! » Un Dieu joue. — La vie se fait petite en moi, — et cet orgueil vient se blottir au chaud d’un petit cœur humain, lorsque, pour des raisons que je ne comprends pas bien, Dieu flagelle le monde de ses puissantes mains.

Des sacs de billes de verre se choquent dans la nue ; tandis que fines parures flottant dans leurs ceintures, les fils rouges qui les nouent quadrillent l’air obscur, moi, je penche mon front vers mon cœur, je sommeille. Bel exemple qu’un Dieu ne comprendra pas bien…

Mais c’est un Dieu si jeune pour l’homme si ancien !

Déjà M. Péladan (dans la Queste du Graal) et M. Mendès (dans ses Lieder) avaient tenté quelque chose d’approchant. Je crois même qu’en remontant davantage encore dans notre littérature, on trouverait de curieux essais de strophes en prose. Buffon, qui est toujours et partout admirable, y excellait. Je n’en veux pour témoignage que le célèbre exorde :


La plus noble conquête que l’homme ait jamais faite
Est celle de ce fier et fougueux animal
Qui partage avec lui les fatigues de la guerre
                         Et la gloire des combats