Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 10.djvu/95

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Mais on trouve des précédents aux inventions les plus personnelles, et il n’en reste pas moins vrai que celle de M. Fort lui appartient bien puisqu’il l’a le premier proclamée, puisqu’au lieu de regarder ce style spécial comme un procédé passager qu’on délaisse à loisir quand il devient monotone, il l’emploie avec suite, pour toute une série de poèmes, et juge évidemment que nulle autre forme verbale ne saurait exprimer mieux les émotions qu’il veut répandre.

Ces émotions sont celles qui pourraient agiter l’âme d’un enfant génial, voluptueux et parfois cruel, devant la femme et la nature.

Car M. Fort a retrouvé, à force de sincérité volontaire, l’inappréciable fraîcheur des premières joies et des premières souffrances, des premières surprises humaines. Il a l’imagination ingénue et désordonnée des intelligences naissantes que trop de littérature encore n’a pas gâtées. Les contes de fées le ravissent. Les chansons populaires l’entraînent. Il ne les imite pas : il en fait, et de si vraisemblables qu’on s’étonne d’en connaître l’auteur et de ne pas lire simplement à la fin, — comme dans les recueils de Folk-Lore : Chanté par Delphin Baudin qui l’a appris de son grand-père.

Lisez celle-ci, qui est charmante :


 Si toutes les filles du monde voulaient s’donner la main, tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde.