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Elle dansait comme les rédacteurs du « Figaro » écrivaient à la même époque, il y a vingt ans ou même davantage. L’esprit de Paris était en elle.

La Danseuse. — Alors ?

Moi. — Alors je l’applaudissais ; mais tout en regardant ses petits pieds, si pressés, si vifs, si amusants, je me disais : « Ce n’est pas ça, la danse. »

La Danseuse. — Et pour parler votre langage : « Qu’est-ce que c’est, la danse ? » Je danse depuis vingt-cinq ans. Vous serez fort aimable de m’apprendre mon métier.

Moi. — Ne m’accablez pas. Je ne sais aucun métier, pas même le mien. Et quand vous sauriez le vôtre jusqu’au bout des orteils…

La Danseuse. — Répondez-moi. Lorsque je parais en scène, qu’attendez-vous de ma danse ?

Moi. — Qu’elle signifie quelque chose.

La Danseuse. — Ah ! j’en étais bien sûre ! Vous voulez que tout, en art, ait une signification littéraire. Vous vous trompez. Nous dansons sur de la musique. La musique signifie-t-elle toujours quelque chose ? Prenez au hasard un morceau… sur lequel on ne danse même pas. Prenez la toccata en fa que Bach a écrite pour orgue. Y a-t-il rien de plus beau, dites-le ?

Moi. — Rien de plus beau.

La Danseuse. — Et qu’est-ce que cela veut dire ?