Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 11.djvu/12

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Moi. — Rien du tout. Cela a sa force en soi. Cela se passe de toute littérature. C’est une merveille. C’est une joie de la vie.

La Danseuse. — Alors, pourquoi voulez-vous que notre art ait une signification quand la musique même qui nous anime peut être belle et sans pensée ?

Moi. — Parce que nous ne sommes plus à l’époque de la toccata en fa. Ce sera ma seule réponse. La danse classique est morte comme la musique classique, mais alors que les partitions de 1730 restent aussi jeunes, aussi pures que jadis, rien ne peut plus nous représenter ce que fut Mlle Camargo, ni Mlle Tagliani. À la fin du siècle dernier, l’art chorégraphique était arrivé à un tel degré de dégénérescence que la jeunesse n’y comprenait plus rien, et que, d’une seule voix, elle demande autre chose…

La Danseuse. — Et quoi ?

Moi. — À peu près ce que vous voyez aujourd’hui.

La Danseuse. — Ah ! c’est joli ! Des danseuses qui ne savent pas danser !

Moi. — Ne dites donc pas cela ! Wagner a eu la faiblesse d’écrire les Meistersinger pour répondre à des phrases de ce genre. Il y a des artistes assez entêtés pour exécuter même ce qu’ils ne veulent pas faire, afin de prouver aux contradicteurs qu’ils sont capables de tout. Défiez, si vous le voulez, Mlle R. B. : elle vous battra