Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 11.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans le style classique qu’elle aime le moins. Quant à Mme Isadora Duncan…

La Danseuse. — Oh ! celle-là, elle ne passerait même pas son examen de choryphie.

Moi. — Et après ? Victor Hugo non plus n’aurait jamais passé son examen de poète : il ne savait faire ni les textines, ni les ballades, ni même les rondels. Et que lui dénierez-vous ? Le génie ? Le talent ? ou la facilité ?

La Danseuse. — Vous vous moquez de moi.

Moi. — Mme I. D. est admirable…

La Danseuse. — Ce n’est pas l’avis de tout le monde…

Moi. — C’est le mien. Mme Duncan paraît, et aussitôt…

La Danseuse. — Vous la trouvez jolie ?

Moi. — Et aussitôt elle nous émeut par cet enthousiasme, cette sincérité, cette foi qui est en elle et qu’elle nous transmet. Elle nous montre d’abord l’allégresse de danser et c’est charmant à voir. Nous comprenons tout de suite qu’elle est là par plaisir. Elle ne danse ni pour un public, ni pour un cachet, ni même pour sa gloire. Elle danse pour elle…

La Danseuse. — Dites-le donc ! elle ne danse pas pour vous, et voilà pourquoi vous en raffolez. Quel sentiment masculin !

Moi. — Oh ! comme il vous plaira ! Si vous ne voulez pas de ce sentiment-là pour votre sexe,