Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 11.djvu/18

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caractères chinois, si clairs, si simples dans leur forme primitive, sont devenus aujourd’hui les hiéroglyphes absurdes que vous connaissez.

La Danseuse. — Oh ! je vous en prie ! Je ne sais pas non plus le chinois.

Moi. Vous le sauriez en quinze jours si vous le lisiez tel que ses auteurs de jadis l’écrivaient. Mais votre art comme leur écriture est devenu quelque chose d’inutilement abscons, où la formule remplace l’idée, où l’on ne sait même plus si l’artiste comprend la valeur des gestes traditionnels qu’elle répète. Et comme elle n’en est plus émue…

La Danseuse. — Qu’en savez-vous ?

Moi. — Je le sens… Et comme elle n’en est plus émue, elle nous éloigne de l’art qu’elle-même abandonne. Devant ce débat esthétique où nous sommes simples spectateurs, croyez bien que notre considération s’adresse à la danseuse autant qu’à la théorie dont nous voudrions la trouver éprise. À propos de danses, je vous ai parlé de Wagner, de Victor Hugo et de M. Ingres parce que j’ai un vif sentiment de l’égalité entre les arts et, malgré la liberté de mes opinions sur l’avenir de la chorégraphie, je vous admire, mademoiselle, plus que la plupart des poètes ou des musiciens vivants. Le graveur est parfois supérieur au peintre, le tragédien au dramaturge, la danseuse au librettiste. Quels candidats voudrais-je voir