Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 11.djvu/27

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future maternité, le mieux est de les laisser libres, mais c’est précisément cette liberté que je voudrais pour ceux qui ont au fond de leur âme une pudeur moins petite et plus dignement placée.

Le peuple de Paris n’a pas treize ans. Pourquoi lui refuser ce qu’il a le droit de connaître ? Pourquoi réserver à vous seuls, à l’intimité de vos garçonnières, la révélation de la femme ? Vous êtes heureux, vous, messieurs, vous avez tous les adultères, et, à leur défaut, tous les mauvais lieux ; mais à lui, voyez ce que vous lui laissez, regardez passer dans la rue les ouvrières de quarante ans !

Pour le consoler de ses masures, vous lui bâtissez des palais publics, des promenades monumentales, des enceintes de jardins, des musées de merveilles, mais pour le consoler de ses femmes, lui montrez-vous Océana ?

Il en aurait, le droit, pourtant, aux termes d’une loi plus normale…

Pourquoi ? Parce que la loi a cette mission suprême d’élever, autant qu’il est en elle, l’esprit du peuple qu’elle régit ; parce que c’est une inconséquence que d’ériger des Èves dans les jardins publics et d’en considérer les modèles comme indignes d’être vus par la foule ; — parce que la grandeur intellectuelle d’une nation civilisée est en raison directe des facilités qu’elle obtient à éprouver librement et à répandre librement les émotions fécondes que donne la beauté.