Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 11.djvu/63

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L’athlète, en effet, et sans paradoxe, est un artiste. Il modèle son corps comme le chanteur sa voix. Il est sa propre statue.

Lui seul a reçu le don des attitudes souples et droites, des mouvements puissants et doux. Lui seul réalise ce tour de force qui est la légèreté dans l’énergie. Notre admiration pour l’artiste augmente devant l’aisance incompréhensible avec laquelle il résout des problèmes de beauté qui seraient, pour nous, extraordinaires ; mais l’athlète a le même secret. Méditons la gloire que lui décernaient si respectueusement les Athéniens.

À vrai dire, ils comprenaient l’athlète dans un sens qui n’est pas tout à fait le nôtre. Détenir un record n’était nullement leur idéal sportif. Sans doute, le vainqueur au javelot était l’homme qui lançait son projectile le plus loin, et le vainqueur à la course était toujours le premier ; mais, tout au contraire de nous, les Grecs n’estimaient qu’à demi les spécialistes de la force. L’athlète, pour eux, était l’être invincible par quelque moyen que ce fût. Ils auraient hué un coureur si les muscles de ses bras n’avaient été aussi robustes que ceux de ses jarrets, et si, au lendemain de sa victoire, le premier venu parmi les lutteurs eût pu lui faire toucher les épaules. Aussi, en disant que le Sport est essentiellement hellénique, je ne prétends pas que Périclès eût été saisi d’admiration à l’aspect d’un de nos