Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 11.djvu/84

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l’erreur où nous tombons lorsque nous nous imaginons volontiers l’amant arabe à cheval en pleine nuit sur un mur de harem avec un coutelas entre les dents et deux pistolets à la ceinture. Une telle posture n’est pas habituelle aux poètes, et si elle est encore ici romantique et byronienne elle ne pourrait pas servir d’illustration aux mœurs pastorales de la vieille Arabie.

Pastoral est, en effet, essentiellement, le peuple arabe. Les Maures et les Mauresques des villes forment un rameau si différent de la souche originelle qu’il en semble presque étranger. Si les poètes terminent souvent leur vie chargée de gloire à la cour du Khalife, la plupart sont nés dans les plaines où la vie antique reste simple et à peu près immuable depuis les origines. Si quelques-uns, comme Abou-Nouas, célèbrent sur commande les maîtresses du souverain, la plupart continuent de chanter, avec le frisson de leur jeunesse lointaine, les jeunes filles de leur patrie, Yémen tout en fleurs, Liban couronné d’ombres, bords du Nil éblouissant et silencieux.

Là, et surtout en Arabie, si la femme mariée est sévèrement tenue, la jeune fille l’est beaucoup moins ; non pas qu’on lui pardonne une faute éventuelle, mais parce qu’on la croit moins capable de la commettre et parce que le mariage précoce ne lui permet pas souvent d’égarer ses premiers désirs.