Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 11.djvu/97

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Presque jamais nous ne savons quelle est la jeune fille aimée. On ne nous dit rien qui la désigne. À partir d’une certaine époque, on la travestit sous un nom d’homme ; et entendez bien que cela est par pudeur, non du tout par perversité. Dans les premiers âges de la poésie arabe, l’auteur déroutait les curiosités en disant toujours : c’est une veuve. Entendez bien aussi que cela n’était jamais vrai.

Mille délicatesses de sentiments naissent de cette passion qui connaît le secret. On ne lira pas sans étonnement l’un des plus sensuels poètes de l’école d’Ebn-el-Farid écrire ce vers pétrarquisant :

Je demande où elle est : et elle est en moi[1].

On admirera cette très jolie expression d’une jalousie qui ne veut pas douter :

Donne-moi ta fidélité, puisque tu ne peux me donner ta présence[2].

On lira pour la première fois, chez un poète du viie siècle, cet enfantillage charmant et qui semble du xixe :

J’aime le nom de Leila. J’aime les noms qui ressemblent au sien[3].

  1. F. de Martino et Saroit Bey, Anthologie, p. 271
  2. Ibid., p. 225.
  3. Ibid., p. 105.