Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 11.djvu/98

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On verra partout la passion se hausser jusqu’à la tendresse jusqu’à l’avènement du baiser : « L’étreinte rapproche-t-elle vraiment davantage ? » dit Ebn-el-Roumi[1].

Partout enfin on reconnaîtra ce respect de la vierge et de l’amante, sous la forme à la fois pompeuse et discrète, ardente et chaste, qui est restée celle de nos mœurs françaises et que nous appelons d’un mot inconnu des anciens : la galanterie.

En effet, qu’on y prenne garde ; il ne s’agit pas ici d’un rapprochement : il y a filiation entre cet esprit et le nôtre.

La plus belle époque de la littérature arabe est celle qui précède le siècle des croisades. Nos premiers chevaliers sont entrés en Orient au milieu de la splendeur dont elle témoignait, car la littérature est le miroir des temps. Haroun-el-Raschid était mort depuis plusieurs siècles déjà. La civilisation musulmane s’affinait à son apogée. Feros victores cepit. Si l’on ne fait pas remonter plus avant dans l’histoire la noblesse française, c’est qu’en vérité elle n’existait point avant que la noblesse arabe ne lui eût donné sa forme, son incomparable modèle. Le caractère français dans sa forme actuelle date de cette Renaissance suscitée par les croisés. Beaucoup des qualités

  1. F. de Martino et Saroit Bey, Anthologie, p. 167