Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 12.djvu/169

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lui-même. Parce que pas un grand écrivain n’a eu l’imagination plus pesante. Parce qu’il ne réussit jamais à s’abstraire.


Mais mon cœur que jamais ne visite l’extase
Mais mEst un théâtre où l’on attend
Toujours, toujours en vain.


Au maximum de son effort cérébral il voit… tantôt une sorte de vision trouée à travers laquelle la réalité ne cesse jamais d’être présente (ses désirs « ont la forme des rues »)… tantôt une réalité que rien ne peut dissiper ni voiler, et une sorte d’idée brumeuse qui s’en élève mais y reste attachée. Il lui faut une charogne pour songer à « l’essence divine de ses amours ». Il lui faut « une affreuse juive » pour qu’il rêve « à la triste beauté »…, etc. — C’est misérable.

Là, il est tout près du Petit Manuel d’Imagination à l’Usage des Jeunes Personnes que Musset a intitulé « la Nuit de Mai ». Je ne puis dire combien cette cuisine poëtique, ainsi mise à nu, me répugne. Quand je vois les doigts de la cuisinière sur le bord d’un plat, je n’ai plus faim. — Faut-il tant d’aveux et de vomissements pour transporter le lecteur dans le monde de l’imaginaire ?