Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 12.djvu/24

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chez Boileau, et ce qui a stérilisé la poësie française de 1690 à 1820 (Chénier excepté.) vient de là.

La thèse est : « Choisissez le sujet. Faites votre plan. Restez-y. Pas d’imaginations. » C’est comme cela qu’il faut parler aux entrepreneurs de constructions : ne dépassez pas le devis.

Je comprends maintenant pourquoi je connais si mal Horace. Et pourquoi j’aime tant Virgile, le vrai Virgile — pas toujours l’Énéide qu’il a voulu brûler — mais les Bucoliques d’abord, et les épisodes des Géorgiques. Dans les Géorgiques, ce qui est le « sujet » est assommant ; et chaque fois que Virgile oublie son agriculture préconçue, toute la poësie apparaît. Comment l’exemple des Géorgiques n’a-t-il pas suffi à démontrer que la thèse d’Horace était fausse ?



Virgile : voilà le poëte. Et comme la poësie a peu changé depuis deux mille ans ! Virgile et Hugo n’ont guère que des dissemblances, et ils n’écrivent pas la même langue, et dix-neuf siècles les séparent. Un seul point commun : ils avaient tous les deux l’oreille du vers. Aussi, leurs vers sont beaux pour les mêmes raisons.

L’homme qui a trouvé ce crescendo jusqu’à la grandeur presque soudaine du dernier vers,