d’un charme incomparable pour tous les amoureux de la voix humaine.
L’i consonne et l’e muet donnent des sons indistincts et pourtant réels, qu’on entend, et qu’on n’entend pas, qui se manifestent et qui se dissimulent, qui vont être et qui ne sont déjà plus. C’est la merveille de l’alexandrin. Quand Victor Hugo écrit :
Des spectres tournoyant comme la feuille morte
Qui combattent, l’épée à la main, et qu’emporte
L’évanouissement du vent, mystérieux
ces deux v, ces trois s, cet ou qui ne compte presque pas, cet e perdu comme une lacune, cet i qui se jette dans la rime, tout cela passe et fuit si vite avec la rafale des consonnes que nous ne saurions dire exactement si le vers a douze syllabes ou une, et cependant, l’alexandrin tout entier se justifie à notre oreille, et s’il y manquait même cet atome qui est l’e muet du cinquième pied, nous le sentirions.
Remplissez ce vers ; écrivez par exemple (je suppose une absurdité) :
L’évanouissement noir du typhon mystérieux
rien de ce qu’a voulu l’auteur ne subsiste plus. Vous obtenez une sonorité compacte, solide, équilibrée, qui ne serait bonne ni en prose ni en vers et qui détruit l’effet de la phrase.