Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 3.djvu/106

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Mélandryon tourna les yeux vers elle, et la regardant singulièrement :

« Je te parlerai de la Sirène.

Rhéa toujours inquiète : « Quelle sirène ? dit-elle.

« Il n’y a jamais eu qu’une Sirène, comme il n’y a jamais eu qu’une femme, répondit le Corinthien ; et il est à penser que ce fut le même être. Vous êtes les reflets légers de cette immobile apparence, de même que les images de la lune sont innombrables sur la mer, alors qu’elle est seule dans la nuit ; ou de même que toutes les étoiles sont des miroirs de la lumière, toujours éclairées du soleil, quand il est descendu de l’autre côté du monde.

« Ainsi fut la Sirène : semblable à vous, femmes, mais combien plus simple. Et quand j’aurai dit cette histoire, je ne sais pas si je parlerai encore, à moins que je ne trouve un plaisir à redire autrement ce que je vais vous conter. »,

Alors Mélandryon, s’étant recueilli, commença ; et sa voix n’était plus la même.

Dans les profondeurs de la mer où la nuit perpétuellement noire s’augmente de toute la pesanteur de l’eau, c’était là que pour dormir séjournait la grande Sirène.

De mystérieuses mousses et d’invisibles fleurs s’offraient au repos de son corps. À tâtons près de son visage, elle les sentait douces, mais elle ne les voyait pas, tant l’ombre était impénétrable. Une