Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 3.djvu/21

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L’œgipan lui dit doucement :

« Qui es-tu ?

— Je suis Lêda », répondit-elle.

Il se tut un instant, puis reprit :

« Pourquoi n’es-tu pas comme les autres nymphes ? Pourquoi es-tu bleue comme l’eau et la nuit ?

— Je ne sais pas. »

Il la regardait très étonné.

« Qu’est-ce que tu fais là, toute seule ?

— J’attends le Cygne. »

Et elle regardait vers le fleuve.

« Quel Cygne ? demanda-t-il.

— Le Cygne. Je ne l’avais pas appelé, je ne l’avais pas vu, et il est venu. Je suis si étonnée. Je vais te dire. »

Elle lui raconta ce qui s’était passé, et elle écarta les roseaux pour lui montrer l’œuf bleu du matin.

Le satyre comprit. Il se mit à rire et donna des explications grossières qu’elle arrêtait à chaque mot en lui mettant la main sur la bouche, et elle criait :

« Je ne veux pas savoir. Je ne veux pas. Oh ! Oh ! tu m’as appris. Oh ! est-ce possible ! Maintenant, je ne pourrai plus l’aimer, et je serai malheureuse à mourir. »

Il la saisit par le bras, passionnément.

« Ne me touche pas ! pleura-t-elle. Oh ! que j’étais heureuse ce matin ! Je ne comprenais pas