Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 3.djvu/67

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Dès que le jour était assez clair pour qu’ils pussent marcher dans les bois, ils s’en allaient tous deux très loin, jouer avec des fruits tombés ou chercher les fleurs les plus grandes, et qui avaient le meilleur parfum. Et les trouvailles de l’un étaient toujours pour l’autre et ils ne se disputaient pas, et à cause de cela leur mère les vantait près des autres nymphes ses amies.

Or, quand douze années se furent écoulées depuis le jour de leur naissance, leur mère se prit d’inquiétude et les suivit, quelquefois.

Les deux enfants ne jouaient plus, et quand ils avaient vécu tout un jour dans la forêt, ils ne rapportaient rien à la main, oiseaux ni fleurs, ni fruits ni couronnes. Ils marchaient si près l’un de l’autre que leurs chevelures se mêlaient. Les mains de Byblis erraient sur les bras de son frère. Parfois elle le baisait sur la joue : alors tous deux restaient silencieux.

Quand la chaleur était trop forte, ils se glissaient dans les branches basses, et là, couchés sur la poitrine à travers la mousse odorante, ils se parlaient et s’adoraient et ne se désenlaçaient point.

Alors Cyanée appela son fils à l’écart et lui dit :

« Pourquoi es-tu triste ? »

Caunos répondit :

« Je ne suis pas triste. Je l’étais autrefois, de