Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 3.djvu/79

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une amertume délicieuse enivra l’enfant accablée.

Ainsi jamais plus sa main ne toucherait la main aimante de Caunos. Jamais plus elle ne reverrait la lumière noire de son regard, sa chère tête et ses jeunes cheveux. Jamais plus ils ne dormiraient côte à côte sur le même lit de feuilles, enlacés. Les forêts ne savaient plus son nom.

Une explosion de désespoir fit tomber le visage de Byblis dans ses mains ; mais une telle abondance de larmes vint mouiller ses joues enflammées, qu’il lui sembla qu’elle sentait une source miraculeuse entraîner toutes ses souffrances comme des feuilles mortes sur l’eau d’un torrent.

Les larmes naissaient doucement en elle, montaient à ses yeux, flottaient, débordaient, glissaient en nappe chaude sur ses joues, inondaient sa poitrine étroite, retombaient sur ses jambes serrées. Elle ne les sentait plus perler une à une entre ses longs cils : c’était un ruissellement continu et doux, une affluence intarissable, l’effusion d’une onde enchantée.

Cependant, réveillées par le clair de lune, les immortelles de la forêt étaient accourues de toutes parts. L’écorce des arbres devenue transparente avait laissé voir la figure des nymphes, et même les naïades frissonnantes, quittant leurs eaux et leurs rochers, s’étaient répandues dans les bois.

Et elles se pressaient autour de Byblis, et elles lui parlaient, effrayées, car le cours des pleurs de