Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/132

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Il tremblait, il défaillait, il se prit à rire de joie. Ses mains erraient sur les bras nus, pressaient la taille froide et dure, descendaient le long des jambes, caressaient le globe du ventre. De toute sa force il s’étirait contre cette immortalité. Il se regarda dans le miroir, il souleva le collier de perles, l’ôta, le fit briller à la lune et le remit peureusement. Il baisa la main repliée, le cou rond, l’onduleuse gorge, la bouche entr’ouverte du marbre. Puis il recula jusqu’aux bords du socle, et, se tenant aux bras divins, il regarda tendrement la tête adorable inclinée.


Les cheveux avaient été coiffés à la manière orientale et voilaient le front légèrement. Les yeux à demi-fermés se prolongeaient en sourire. Les lèvres restaient séparées, comme évanouies d’un baiser.

Il disposa en silence les sept rangs de perles rondes sur la poitrine éclatante, et descendit jusqu’à terre pour voir l’idole de plus loin.

Alors il lui sembla qu’il se réveillait. Il se rappela ce qu’il était venu faire, ce qu’il avait voulu, failli accomplir : une chose monstrueuse. Il se sentit rougir jusqu’aux tempes.

Le souvenir de Chrysis passa devant sa mémoire comme une apparition grossière. Il énuméra tout ce qui restait douteux dans la beauté de la courtisane ; les lèvres épaisses, les cheveux gonflés,