Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/151

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toute la robe… Mais Chrysis se mit à parler.

Elle parla, et chacun de ses mots était une souffrance pour lui. À plaisir elle semblait insister et s’étendre sur la prostitution de ce vase de beauté qu’elle était, blanc comme la statue elle-même, et plein d’or qui ruisselait en chevelure. Elle disait sa porte ouverte à l’oisiveté des passants, la contemplation de son corps abandonné à des indignes, et le soin de mettre en feu ses joues à des enfants maladroits. Elle disait la fatigue vénale de ses yeux, ses lèvres louées à la nuit, ses cheveux confiés à des mains brutales, sa divinité labourée.

L’excès même des facilités qui entouraient son approche inclinait Démétrios vers elle, décidé du moins à en user pour lui seul et à fermer la porte derrière lui. Tant il est vrai qu’une femme n’est pleinement séduisante que si l’on a lieu d’en être jaloux.

Aussi, lorsque, ayant donné à la déesse son collier vert en échange de celui qu’elle espérait, Chrysis s’en retourna vers la ville, — elle emportait une volonté humaine à sa bouche, comme la petite rose volée dont elle mordillait la queue.

Démétrios attendit qu’il fût laissé seul dans l’enceinte ; puis il sortit de sa retraite.

Il regarda la statue avec trouble, s’attendant à une lutte en lui. Mais, comme il était incapable de renouveler à si bref intervalle une émotion très