Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/175

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sirent par petites bouchées les bons morceaux de chaque poisson, et laissèrent le reste aux esclaves.

« L’amour, commença. Phrasilas, est un mot qui n’a pas de sens ou qui en a trop, car il désigne tour à tour deux sentiments inconciliables : la Volupté et la Passion. Je ne sais dans quel esprit Faustine l’attend.

— Je veux, interrompit Chrysis, la volupté pour ma part et la passion chez mes amants. Il faut parler de l’une et de l’autre, ou tu ne m’intéresseras qu’à demi.

— L’amour, murmura Philodème, ce n’est ni la passion ni la volupté. L’amour, c’est bien autre chose…

— Oh ! de grâce, s’écria Timon, ayons ce soir, exceptionnellement, un banquet sans philosophies. Nous savons, Phrasilas, que tu peux soutenir avec une éloquence douce et une persuasion toute mielleuse la supériorité du Plaisir multiple sur la Passion exclusive. Nous savons aussi qu’après avoir parlé pendant une longue heure sur une matière aussi hardie, tu serais prêt à soutenir pendant l’heure suivante, avec la même éloquence douce et la même persuasion mielleuse, les raisons du contradicteur. Je ne…

— Permets… dit Phrasilas.

— Je ne nie pas, continua Timon, le charme de ce petit jeu, ni même l’esprit que tu y mets. Je doute de sa difficulté, et dès lors, de son intérêt.