Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/211

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tendresses, assez de passion à donner. De quelle incomparable flamme brûlerait donc cet amour unique de deux êtres également jeunes, également beaux, également aimés l’un par l’autre et réunis pour toujours après tant d’obstacles franchis !

Tous les deux ils s’en iraient, ils quitteraient la ville de la Reine, ils feraient voile pour des pays mystérieux, pour Amathonte, pour Epidaure ou même pour cette Rome inconnue qui était la seconde ville du monde après l’immense Alexandrie, et qui entreprenait de conquérir la Terre. Que ne feraient-ils pas, où qu’ils fûssent ! Quelle joie leur serait étrangère, quelle félicité humaine n’envierait pas la leur et ne pâlirait point devant leur passage enchanté !

Chrysis se releva dans un éblouissement. Elle étira les bras, serra les épaules, tendit son buste en avant, Une sensation de langueur et de joie grandissante gonflait sa poitrine durcie. Elle se remit en marche pour rentrer…


En ouvrant la porte de sa chambre, elle eut un mouvement de surprise à voir que rien depuis la veille n’avait changé sous son toit. Les menus objets de sa toilette, de sa table, de ses étagères lui parurent insuffisants pour entourer sa nouvelle vie. Elle en cassa quelques-uns qui lui rappelaient trop directement d’anciens amants inu-