Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/227

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de marbre où flamboie un bûcher de pourpre touche à l’horizon livide, palpite, baisse, diminue, et se couche comme une autre lune.

Démétrios marche encore.

Des jours et des nuit-s semblent avoir passé depuis qu’il a laissé dans le lointain le grand quai d’Alexandrie, et il n’ose retourner la tête de peur de ne plus rien voir que le chemin parcouru : une ligne blanche jusqu’à l’infini et la mer.

Et cependant il se retourne.

Une île est derrière lui, couverte de grands arbres d’où retombent d’énormes fleurs.

L’a-t-il traversée en aveugle, ou surgit-elle au même instant, devenue mystérieusement visible ? Il ne songe pas à se le demander, il accepte comme un événement naturel l’impossible…

Une femme est dans l’île. Elle se tient debout devant la porte de l’unique maison, les yeux à demi-fermés et le visage penché sur la fleur d’un iris monstrueux qui croît à la hauteur de ses lèvres. Elle a les cheveux profonds, de la couleur de l’or mat, et d’une longueur qu’on peut supposer merveilleuse, à la masse du chignon gonflé qui charge sa nuque languissante. Une tunique noire couvre cette femme, et une robe plus noire encore se drape sur la tunique, et l’iris qu’elle respire en abaissant les paupières a la même teinte que la nuit.

Sur cet appareil de deuil, Démétrios ne voit