Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/295

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si, sorti victorieux de la lutte, il se jurait avant toutes choses de ne plus s’exposer à fléchir sa belle attitude prise en face d’autrui, du moins venait-il de comprendre que cela seul vaut la peine d’être imaginé, qui atteint par le marbre, la couleur ou la phrase une des profondeurs de l’émotion humaine, — et que la beauté formelle n’est qu’une matière indécise, susceptible d’être toujours, par l’expression de la douleur ou de la joie, transfigurée.


Comme il achevait ainsi la suite de ses pensées, il arriva devant la porte de la prison criminelle.

Ses deux esclaves l’attendaient là.

« Nous avons porté la motte de terre rouge, dirent-ils. Le corps est sur le lit. On n’y a pas touché. Le geôlier te salue et se recommande à toi. »


Le jeune homme entra en silence, suivit le long couloir, monta quelques marches et pénétra dans la chambre de la morte, où il s’enferma soigneusement.

Le cadavre était étendu, la tête basse et couverte d’un voile, les mains allongées, les pieds réunis. Les doigts étaient chargés de bagues ; deux periscelis d’argent s’enroulaient sur les chevilles pâles et les ongles de chaque orteil étaient encore rouges de poudre.