Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/296

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Démétrios porta la main au voile afin de le relever ; mais à peine l’avait-il saisi qu’une douzaine de mouches rapides s’échappèrent de l’ouverture.

Il eut un frisson jusqu’aux pieds… Pourtant il écarta le tissu de laine blanche, et le plissa autour des cheveux.


Le visage de Chrysis s’était éclairé peu à peu de cette expression éternelle que la mort dispense aux paupières et aux chevelures des cadavres. Dans la blancheur bleuâtre des joues, quelques veinules azurées donnaient à la tête immobile une apparence de marbre froid. Les narines diaphanes s’ouvraient au-dessus des lèvres fines, la fragilité des oreilles avait quelque chose d’immatériel. Jamais, dans aucune lumière, pas même celle de son rêve, Démétrios n’avait vu cette beauté plus qu’humaine et ce rayonnement de la peau qui s’éteint.


Et alors il se rappelle les paroles dites par Chrysis pendant leur première entrevue : « Tu ne connais que mon visage. Tu ne sais pas comme je suis belle ! » Une émotion intense l’étouffe subitement. Il veut connaître enfin. Il le peut.

De ses trois jours de passion il veut garder un souvenir qui durera plus que lui-même, mettre à nu l’admirable corps, le poser comme un modèle