Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/66

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« Montre-moi le chemin. — Mais je ne veux pas ! dit Chrysis d’un air stupéfait. Tu ne me demandes même pas si c’est mon plaisir. « Montre-moi le chemin ! » Comme il dit cela ! Me prends-tu pour une fille du porneïon, qui se met sur le dos pour trois oboles sans regarder qui la tient ? Sais-tu même si je suis libre ? Connais-tu le détail de mes rendez-vous ? As-tu suivi mes promenades ? As-tu marqué les portes qui s’ouvrent pour moi ? As-tu compté les hommes qui se croient aimés de Chrysis ? « Montre-moi le chemin ! » Je ne te le montrerai pas, s’il te plaît. Reste ici ou va-t’en, mais ailleurs que chez moi !

— Tu ne sais pas qui je suis…

— Toi ? Allons donc ! Tu es Démétrios de Saïs ; tu as fait la statue de ma déesse ; tu es l’amant de ma reine et le maître de ma ville. Mais pour moi tu n’es qu’un bel esclave parce que tu m’as vue et que tu m’aimes. »

Elle se rapprocha, et poursuivit d’une voix câline :

« Oui, tu m’aimes. Oh ! ne parle pas ; — je sais ce que tu vas me dire : tu n’aimes personne, tu es aimé. Tu es le Bien-Aimé, le Chéri, l’Idole. Tu as refusé Glycéra, qui avait refusé Antiochos. Dêmônassa la Lesbienne, qui avait juré de mourir vierge, s’est couchée dans ton lit pendant ton sommeil, et t’aurait pris de force si tes deux