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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 5.djvu/130

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— Ne me faites pas de mal, caballero. Elle montre son nombril à des Inglès[1]. Dieu sait que ça n’est pas ma faute. Si j’avais su, je ne vous aurais rien dit. Je ne veux me brouiller avec personne, je suis bonne fille, caballero.


Le croirez-vous ? Je restai impassible. Seulement un grand froid m’envahit, comme si une haleine de cave s’était glissée entre mes vêtements et moi ; mais ma voix n’était pas tremblante.

— Gallega, lui dis-je, conduis-moi là-haut.

Elle secoua la tête.

Je repris :

— On ne saura pas que te m’as parlé. Fais vite… C’est ma novia, tu comprends… J’ai le droit de monter… Conduis-moi.

Et je lui mis un napoléon dans la main.

Un instant après, j’étais seul, sur le balcon d’une cour intérieure, et par la porte-fenêtre je voyais, Monsieur, une scène d’enfer.

Il y avait là une seconde salle de danse, plus petite, très éclairée, avec une estrade et deux guitaristes. Au milieu, Conchita nue et trois autres nudités quelconques de femmes, dansaient une jota forcenée devant deux Anglais assis au fond. J’ai dit nue, elle était plus que nue. Des bas noirs, longs comme des jambes de maillot, montaient

  1. Le mot Inglès (Anglais) désigne tous les étrangers, en Espagne