Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 5.djvu/36

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Pour lui, c’étaient de honteux brigands qui ne méritaient même pas le garrot.

Il se calma.

« J’aime mon pays, reprit-il. J’aime ses montagnes et ses plaines. J’aime la langue et le costume et les sentiments de son peuple. Notre race a des qualités d’une essence supérieure. À elle seule, elle est une noblesse, à l’écart de l’Europe, ignorant tout ce qui n’est pas elle, et enfermée sur ses terres comme dans une muraille de parc. C’est pour cela, sans doute, qu’elle décline au profit des nations du Nord, selon la loi contemporaine qui pousse aujourd’hui de toutes parts le médiocre à l’assaut du meilleur… Vous savez qu’en Espagne on appelle hidalgos les descendants des familles pures de tout mélange avec le sang maure. On ne veut pas admettre que, pendant sept siècles, l’Islam ait pris racine sur la terre espagnole. Pour moi, j’ai toujours pensé qu’il y avait ingratitude à renier de tels ancêtres. Nous ne devons guère qu’aux Arabes les qualités exceptionnelles qui ont dessiné dans l’histoire la grande figure de notre passé. Ils nous ont légué leur mépris de l’argent, leur mépris du mensonge, leur mépris de la mort, leur inexprimable fierté. Nous tenons d’eux notre attitude si droite en face de tout ce qui est bas, et aussi je ne sais quelle paresse devant les travaux manuels. En vérité, nous sommes leurs fils, et ce n’est pas sans raison que